01 December 2011

22 La mélancolie


Il est parfois si doux d’être mélancolique. C’est s’envelopper d’une couverture de coutures, qu’on lit comme l’on plonge les doigts dans la confiture ; ca colle au corps, mais durant un instant ça allège le décor. C’est un tout petit bout de grève entre deux traversées acharnées sur des flots toujours trop hauts.  Mélancolie et moi étions très bonnes amies, mais j’aimais décider de son entrée dans mes journées, et c’était là une tache un peu compliquée. Elle me sauvait la vie, car petit à petit j’avais appris à la laisser venir, et à en profiter pour me laisser couler. Parfois je la convoquais, et nous nous asseyions, sur mon grand canapé pour écrire des mots doux à cet homme trop plein de tout. Je laissais affluer d’inutiles pensées d’espérances pleines d’aisances qui me déboussolaient, et mettais sur du papier des mots imaginés, des idées insensées. Elle me suivait pas à pas comme une image, attendant sagement pour me prendre en otage. Elle était dans ma pénombre, une vieille amie qui encombre car je voulais préciser, du départ et de l’arrivée, de cette mélancolie d’amitié. Mais souvent dans mes virements, de danseuse d’avant survivant le présent, je croisais des revenants un peu trop miroirs de nos jolies histoires. Il y avait dans les visages, parfois des vestiges de tes images, et dans beaucoup de paysages je te lisais dans un mirage. Alors je la chassais à grands coups de mains et de pieds, Mélancolie je ne t’avais pas invité.

« Tu ne fais rien alors ? » Me demandaient certains. C’est un temps mort. Mélancolie et moi faisons un tour dans les bois. Il a duré longtemps ce temps mort là.  Il me fallait marcher dans des prés immenses et décolorés, dans des villes très hautes et bétonnées, sur des océans un peu trop agités, et puis l’écraser, ton souvenir qui ne me faisait plus rire.
Il s’éternisait c’est vrai, ce temps mort mélancolique.  Et j’étais un peu alcoolique, un peu bordélique, un peu pathétique aussi - sans vouloir être trop drastique - J’envisageais mes options, faisait tourner la mappe monde, pointait du doigts des endroits qui fleuraient bon, ressassais mes cartes professionnelles, mes obligations envers mes paternels, mais finissait allongée dans mon désordre de cartons, toujours trop polluée d’émotions.
J’avais des multitudes d’aptitudes qui faisaient de moi, selon mon entourage trop bon, une fille aux milles et une saisons. Finalement, décider de ne rien faire, était une bonne idée pour les faire taire.
Ça m’était apparu comme une nécessité, me laisser porter, me laisser flotter, me laisser rêver. Moi petite vive, empreinte d’activité maladive, j’avais décidé de me plonger dans une sérénité passive jusqu’au jour où mon esprit m’enverrait déboussoler la planète de toute cette énergie que je me serais infiltré sur le chantier, de mon cœur en rénovation, de mes sens en purification.

J’étais intolérante et impatiente autrefois, avant toi. Et des filles comme moi après toi, je les aurais catapulté au régime forcé. J’exigeais et je jugeais, j’ordonnais, j’adjugeais. Tout cela me semble aujourd’hui d’une magnifique absurdité. Nombreuses sont les fois où me sont venues à la bouche, comme un automatisme, des remarques aux pointillés sadiques. Mais depuis tout ça j’ai appris le poids des émois, et je laisse chacun, agir en bon crétin.

Malgré tout ce joli récit, j’ai toujours su que je n’étais absolument pas faite pour la mélancolie. Rien ne me déplaît plus que de voir des gens se complaire toute une vie durant dans une tristesse confortable et évitable. Mon texte - ça n’est pas en ma faveur - et ma vie de ces dernières centaines d’heures, ne semblent apparemment que porter sur cela. Quelle ironie du sort. 
Mais bon, Mélancolie ne s’habille de gris que certains jours choisis, alors j’oublie Tristesse et son voile de vieillesse, tant pis pour tes fesses.

UM TARE TÜTARE TURE SARVA ATA SIDDHI SISSHI KURU SOHA